Pour un torysme catholique : l’œuvre de Jean Renaud

Mise en ligne de La rédaction, le 21 janvier 2012.

par André Désilets

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 34 / HIVER 2011-2012 ]

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Je n’appartiens pas à un monde qui disparaît. Je prolonge et je transmets une vérité qui ne meurt pas.
Nicolás Gómez Dávila

Au Québec, Jean Renaud figure parmi les rares philosophes qui me sont chers : dès que j’abordai ses écrits, j’eus la certitude d’avoir rencontré un allié, un proche, un ami dont l’œuvre renouvelle avec force et profondeur la grande tradition conservatrice, celle qui nous aide à tenir bon contre les assauts de la pensée moderne, « laquelle, dira-t-il dans ses entretiens avec Claude Marc Bourget, est de nature eschatologique, de nature à faire exploser le temporel, à l’épuiser, dans la mesure où elle veut le rendre semblable au spirituel ».

Esprit libre, jamais inféodé aux modes ni aux partis, et doté de l’humilité des seigneurs (vertu inconnue du sophiste, remarque Thomas Molnar), ce penseur catholique présente un style à la fois cinglant et raffiné, noir et feu, qui agit comme un véritable tonique contre la passivité, l’ennui, le dégoût, l’insignifiance. Autrement dit, Jean Renaud donne à penser et incite à réagir. Il n’a rien du séducteur, du flatteur d’opinion qui angélise le consensus pour mieux s’illusionner sur ce qui est. Aussi les universitaires dont l’esprit s’est assoupi dans l’abstraction redoutent-ils la liberté de ton, la causticité de cet essayiste intempestif qui s’inspire autant de saint Thomas d’Aquin que d’Alexandre Soljénitsyne, en passant par Blaise Pascal, Friedrich Nietzsche, Edmund Burke, Léon Bloy, Charles-Ferdinand Ramuz, Joseph de Maistre, Charles Maurras et Jean Brun, pour ne citer que quelques-uns de ses compagnons de route.

Certes, on a tenu Jean Renaud pour un « réactionnaire impénitent » dont le jugement est nécessairement excessif et violent. Le professeur Gilles Labelle affirme même dans L’annuaire du Québec 2006 qu’« une telle prose rompt si radicalement avec tout ce qui s’est énoncé depuis quarante ans au Québec en matière de pensée politique et sociale qu’elle risque d’en devenir pour plusieurs incompréhensible, voire purement et simplement illisible » ! N’est-elle pas déjà carrément insupportable si l’on se réfère à ce qu’en disent des esprits plus progressistes ? Maurice G. Dantec – un autre écrivain réputé infréquentable, « mais que personne, observe Joseph Vebret, ne pourra […] empêcher d’être indispensable » − propose une réponse : Jean Renaud « survole à des hauteurs insoupçonnables la majorité de ce qui se produit dans notre capitale mondiale des Zarzélettres ». Et nous savons qu’au Québec l’intelligentsia déteste que l’on échappe à ses modèles d’explication et que l’on remette en question « les prémisses principales de la modernité, celles sur lesquelles elle se fonde et se justifie».
(…)

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