Notes de lecture. Goulven Madec, Portrait de saint Augustin

Mise en ligne de La rédaction, le 21 janvier 2011.

Goulven Madec, Portrait de saint Augustin, Paris, Desclée de Brouwer, 2008

Par Benoît Miller

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 30 / HIVER 2010-2011 ]

Saint Augustin, par Botticelli (1480)

Remarquons que Madec ne dit rien de ce qui précède. Cependant, il a cette capacité de nous renvoyer à une réflexion sur les problèmes de notre temps, parfois par une simple chiquenaude. Il en est ainsi lorsqu’il nous apprend que le jeune Augustin « n’aimait pas l’école et ses brutalités ». Sitôt après, il lance ce brûlot : « on le comprend » (p. 19). La stratégie fonctionne. Nous voilà au Québec où l’école, mise à la disposition des fins idolâtriques de l’État « neutre », doit fabriquer des masses anonymes de consommateurs plutôt que d’édifier la personne humaine. Et pour cela, il convient, comme du spectre maçonnique, d’empêcher l’éveil de la conscience et de la liberté à la réalité mystérieuse du surnaturel, à cette vérité ontologique que nous sommes faits pour Dieu. Ne parlons pas de brutalité, mais d’abomination ! Pour ma part, contre les forces de la barbarie postchrétienne qui s’installent dans l’évidure de nos démissions, je préfère demeurer à l’arrière-boutique et vaciller sur les hauteurs catholiques du vieux philosophe : « L’essentiel pour qu’un pays vive, est qu’il croie en autre chose que lui-même et quelle que soit sa forme politique, il n’aura jamais que des croyants pour le bien servir » (Étienne Gilson, Les tribulations de Sophie).

Retrouvons notre paroissien. Qu’ajouterait-il sur l’Augustin de Madec ? Sûrement qu’il a été élu évêque et que cette fonction hiérarchique, observée au rythme quotidien de l’Eucharistie dont le sommet pascal est le Christ ressuscité, a foncièrement présidé à sa pensée et ses combats. Le portrait est achevé : on ne peut apprécier l’évêque d’Hippone sans le souci pastoral qui l’anime. Goulven Madec insiste sur cet aspect avant de nous présenter son œuvre. Nous le sentons bien : c’est pour déchaumer les images factices, ci-haut nommées, dont le saint est embastillé. La vie littéraire d’Augustin se mettait en branle, voire à toute volée, par ce seul motif de charité épiscopale qui – au nom de l’unité et du salut – consiste, d’une part, à instruire les fidèles et les catéchumènes et, d’autre part, à nommer fermement l’hérésie (manichéisme, pélagianisme), le schisme (parti des donatistes) ainsi que les dérèglements religieux et politiques (paganisme). Saint Augustin ne cherchait qu’à accomplir « la vie chrétienne, simplement » (p. 86) dans l’espérance que tous y adhèrent en se laissant enfanter par ce souffle où « le sens des Écritures», « l’intériorité » et « la communauté » (p. 87-88) trouvent leur plénitude en, par et pour Jésus Christ. Il n’y a là aucune école spirituelle ou théologique.

Dans notre siècle mécréant, je vois les plaies de la liberté anthropophage : le divorce, l’avortement, l’euthanasie, le « mariage » gay. Je sens l’apostasie sournoise de nos facultés de théologie. J’entends les couinements du grégarisme festivalier qui abolit la Culture portée par l’humble sens de la foi et de l’éskhatos. Et je me dis que le silence de nos évêques sur la déglingue de l’âme n’est pas celui de la prière. Alors j’en appelle à cet exorcisme : Messeigneurs, revêtez-vous de la cappa magna au lieu de la mollesse et de la tiédeur. Et vous verrez l’obéissance (oboedire), au sens premier de l’écoute (audire), se déployer comme une ombrelle qui donnera un peu de fraîcheur au martyre qui vous est promis. C’est par l’échec du prophète – qu’il soit nabi (orateur), mechougua (fou) ou h’ozé (voyant) – que les coeurs se ravivent dans la vérité, la justice et le droit. La Parole fouille la mort, toutes les morts ! et y dépose la sublime lumière du tétragramme divin.

(…)

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