Libertés et autorité : La politique de Salazar

Mise en ligne de La rédaction, le 16 décembre 2021.

[EXTRAITS DU NUMÉRO 63/AUTOMNE 2021-HIVER 2022]

PAR MICHEL LÉON

Le 6 août 1938, un long entretien avec le président du gouvernement portugais António de Oliveira Salazar (1889-1970) parut dans l’hebdomadaire français L’Illustration. Le fondateur de l’Estado Novo avait été nommé ministre des Finances en 1928 par le président de la République Oscar Carmona alors que le Portugal vivait une crise financière gravissime le portant au bord de la banqueroute. De plus, le pays était fracturé entre une population massivement rurale, conservatrice et catholique, dont Salazar était issu, et une frange urbaine lisboète fascinée par les fortunes constituées pendant la première mondialisation, celle des

grandes découvertes et des colonisations, plus tard dominée par la Grande-Bretagne pour laquelle le Portugal déclinant était devenu un allié et client soumis. La bourgeoisie marchande lusitanienne vivait grassement de son commerce atlantique, de ses capitaux demeurés au Brésil, de ses mines angolaises ou du comptoir chinois de Macao. L’itinéraire de Salazar, diplômé en sciences économiques de l’université de Coimbra, établissement marqué par l’anticléricalisme, est édifiant. En 1910, âgé de vingt et un ans, il adhère à un mouvement démocrate-chrétien façon Léon XIII, le Centro Académico de Democracia Cristà. Cette année-là se déchaîne la révolution jacobine, urbaine et franc-maçonne qui emporte la monarchie parlementaire du roi Manuel II, exilé en Angleterre. Deux ans auparavant, le roi Charles Ier et le prince héritier Louis-Philippe de Bragance avaient été assassinés. (…)