De la pandémie à l’émeute: Essai sur l’esprit des révolutions

Mise en ligne de La rédaction, le 22 octobre 2020.

par Jean Renaud

[EXTRAITS DU NUMÉRO 61/AUTOMNE 2020-HIVER 2021]

Les derniers mois furent bizarres pour chacun de nous. Aussi différentes aient pu être les circonstances et les situations personnelles, un climat similaire, pleurnichard, hystérique, sordide, revanchard, envenimé de colères, d’angoisses et d’obsessions, s’est répandu sur le globe pour constituer une sorte de communion paradoxale, malsaine et cacophonique : et je ne parle pas uniquement de ce virus nouveau, déroutant, auquel les pays ont répondu par des mesures sanitaires extrêmes, au premier chef un confinement dont les effets multiformes se prolongeront encore longtemps, mais des désordres psychologiques, sociaux, politiques, voire psychiatriques dont le coronavirus n’est en somme que la cause occasionnelle. Face aux émeutes raciales, aux vagues de dénonciations (d’ordinaire anonymes), aux violences contre tout ce qui rappelle le passé ou contredit les leitmotive de l’inculture dominante, à l’intolérance tonitruante, arrogante et suffisante de jeunes esprits abrutis par l’université et par les médias, le bon sens et la raison ont capitulé.

Je ne m’attarderai pas sur la pandémie et sur nos façons d’y répondre. L’échec déjà probant et palpable a consisté avant tout dans le refus d’une civilisation entière de vivre plus ou moins normalement face à un danger relatif. S’il faut reconnaître que des mesures et des aménagements sérieux étaient indispensables (à commencer par un isolement minimal des gens plus âgés ou plus fragiles), et que la nature et le niveau d’interventions nécessaires ou souhaitables étaient difficiles à établir (une certaine dose d’erreurs et de flottements étant inévitable), il apparaît absurde d’avoir tout paralysé. On a alimenté la peur à force de statistiques de létalité (en elles-mêmes peu impressionnantes mais quotidiennement assénées), de surmédiatisation des cas d’exception, de projections catastrophistes approuvées sans discernement ni recul. On aurait dû se rappeler que vieillir, c’est se rapprocher de la tombe et que le fait d’être mortel cause plus de morts que toutes les maladies réunies. Mais ç’aurait été demander de consentir à la condition humaine, et il n’en est plus question pour les âmes gâtées et déréglées des modernes.
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