Les faux thermidors de la république islamique

Mise en ligne de La rédaction, le 11 juillet 2018.

par Christian et Pierre Cyril Pahlavi

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 57/JUIN-AOÛT 2018]

Khomeini à Paris

Khomeini à Paris

Fin décembre 2017, des manifestations, les plus importantes qu’ait connues l’Iran depuis 2009, éclatent à Méched, le fief du président Hassan Rohani. Des centaines de Mechedis défilent dans les rues de la deuxième métropole du pays aux cris de «Marg bar Rohani!» («Mort à Rohani!»), «Mort au Guide!», «Mort au Hezbollah!». Le bruit court qu’elles sont orchestrées par les sympathisants d’Ebrahim Raissi, opposant conservateur au président «modéré». Mais, dès les premiers jours de janvier 2018, alors que les heurts se prolongent, provoquent des morts et s’étendent à d’autres grandes villes du pays, les slogans échappent au clan Raissi pour prendre une teneur inattendue et devenir des «Mort au régime!», «Pahlavi! Pahlavi!», «Reza Chah, roi des rois!». Le fait que la rue invoque l’ancien régime honni par les ayatollahs fait l’effet d’un séisme politique. Un tabou de quatre décennies vient d’être abattu. Les couches populaires sont médusées. Les élites pétrifiées. Les autorités agacées et nerveuses.

Hors d’Iran, l’immense diaspora iranienne n’est pas moins stupéfaite de la tournure des événements. Bien davantage que les médias occidentaux qui focalisent leur attention sur les ressorts socio-économiques du mécontentement populaire, les Iraniens exilés, qu’ils soient migrants économiques ou dissidents politiques, n’en reviennent pas du vent de nostalgie monarchique qui souffle dans le caisson comprimé de la République théocratique. De son exil au sud de la France, Aslan Afshar, le grand chambellan du dernier Chah, exprime son étonnement: «Il y a eu des manifestations à Méched et les gens criaient “Reza Chah pardonne-nous” – c’est incroyable!» Quasi centenaire et véritable exilarque de la diaspora iranienne, il évoque l’hallucination collective des révolutionnaires qui, en 1978, avaient cru voir le masque sévère de l’ayatollah Khomeini reflété sur la lune et propose l’une de ces allégories poétiques dont sont friands nos compatriotes: «Moi, je vois de part et d’autre de cet astre nocturne, deux étoiles qui brillent insolemment et ce sont les étoiles des deux Pahlavi qui ont arraché l’Iran au Moyen Âge!».
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