Notes de lecture. Hans Küng, L’Islam

Mise en ligne de La rédaction, le 20 juillet 2011.

HANS KÜNG, L’Islam, traduit par Jean-Pierre Bagot, Paris, Cerf, 2010

Par Marie-Thérèse Urvoy

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 32 / ÉTÉ 2011 ]
 

 

Hans Küng

Cet ouvrage est le dernier volet d’une trilogie à laquelle l’auteur disait en 2004 (date de la parution du livre en allemand) avoir consacré les vingt-cinq dernières années de sa vie. Les deux premiers volets, sur le judaïsme et le christianisme, ont paru aux Éditions du Seuil, qui n’ont pas voulu du troisième, jugé trop sévère pour l’islam (on verra plus loin en quoi consiste cette « sévérité »). Ce sont les Éditions du Cerf qui ont assumé cette charge, prétextant qu’il s’agissait du cas unique d’un théologien chrétien traitant de l’islam en profondeur.

Hans Küng a voulu réaliser une « somme » sur l’islam-religion et l’Islam-civilisation, de l’« origine » (première partie) aux « ouvertures sur l’avenir » (cinquième partie), en passant par le « centre » (les composantes religieuses), « l’histoire » et « les défis de notre époque ». En réalité, il réunit des domaines hétérogènes : d’une part, un ensemble d’informations factuelles sur l’histoire et l’actualité ; d’autre part, sa propre méditation – le plus souvent autonome par rapport aux faits, et reliée à eux « après coup » – comme théologien et comme idéologue d’une éthique planétaire. Dans le premier domaine, n’étant pas lui-même arabisant ni islamologue, il fait une synthèse de seconde main. Dans le deuxième, il s’appuie essentiellement sur sa théorie de la relativité des « paradigmes », par lesquels les croyants des diverses religions, au cours de l’histoire, ont cherché à rendre compte de leur foi. La relation entre les deux domaines est établie par le thème du « dialogue », lui-même appelé par l’exigence de la paix : « Pas de paix mondiale sans paix religieuse ». Pour juger de ce système, il faut examiner chacune de ses trois composantes.

Sur le plan strictement scientifique, on ne comprend pas l’intérêt d’un exposé sur l’islam par un non-spécialiste, si ce n’est pour observer ses choix. Les indications bibliographiques sont abondantes et diverses, mais toutes mises sur le même plan, sans que le lecteur soit prévenu de l’opposition parfois totale des points de vue. Sur la base de ces indications plurielles, l’auteur, qui n’a ni la place, ni la compétence pour mener une discussion de fond, choisit d’autorité d’embrasser telle ou telle perspective ; ce qui vaut des formules comme « tel auteur a raison de dire… », assénées abruptement. Or, les points islamologiquement contestables abondent dans cette synthèse. Les principaux sont la reprise continuelle des thèmes des « religions abrahamiques et des « gens du Livre ». Le premier est malheureusement un lieu commun chez les chrétiens, surtout depuis Massignon, mais Küng en rajoute avec le tableau de la page 96, qui synthétise la vision qu’ont respectivement judaïsme, christianisme et islam de la figure d’Abraham : il fait l’impasse sur l’aspect essentiel de l’Ibrâhîm musulman, à savoir le monothéisme et le rejet des idoles, et s’en tient aux thèmes communs. Quant à l’expression « gens du Livre », la reprendre, c’est accepter implicitement le point de vue musulman qui veut tracer une ligne continue entre les « révélations successives ».

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