Jean-François Lisée ou la défense du modèle Québécois

Mise en ligne de La rédaction, le 20 janvier 2011.

par Richard Bastien

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 30 / HIVER 2010-2011 ]

Dans Economics, un ouvrage d’introduction à la science économique lu par des milliers d’étudiants de l’après-guerre, le professeur Paul Samuelson soutenait que l’Union soviétique était « une preuve vivante que, contrairement à ce que beaucoup de sceptiques ont cru par le passé, une économie planifiée d’inspiration socialiste peut fonctionner et même prospérer ». Cette phrase apparaît jusque dans l’édition de 1989 – l’année de l’implosion du système soviétique ! Quelques années auparavant, plus de 300 professeurs britanniques de science économique avaient fait paraître dans le London Times une lettre ouverte adressée au premier ministre Margaret Thatcher soutenant que ses politiques étaient vouées à l’échec. Pourtant, lors de l’élection qui l’a mené au pouvoir peu après, le chef travailliste Tony Blair annonçait que son parti poursuivrait les réformes économiques de Thatcher. Cela montre que la réalité et ce que les professeurs en disent sont parfois deux choses très différentes.

Au Québec, le règne des professeurs d’économie n’a pas encore été contesté, comme en témoignent les réactions miti gées à la parution du manifeste des « lucides » il y a cinq ans et, plus récemment, la défense du modèle québécois entreprise par Jean-François Lisée, figure emblématique de notre intelligentsia et professeur à l’Université de Montréal.

Sans doute convient-il de signaler de prime abord que ce modèle n’a à peu près rien de proprement québécois puisqu’il s’agit, en réalité, d’une version assez banale de l’étatisme à saveur sociale-démocrate que l’on trouve dans la plupart des pays occidentaux (sauf, jusqu’à récemment, les États-Unis). Le qualificatif « québécois » accolé au mot « modèle » n’a qu’un seul mérite – nous rappeler que ce modèle a été élaboré en grande partie par un certain professeur Jacques Parizeau à la lumière des théories socialisantes dont il s’est nourri lorsqu’il a fait ses études à la London School of Economics, à l’époque où cet établissement était considéré comme une sorte de grand séminaire de formation pour les jeunes missionnaires de la social-démocratie dans les pays de tradition anglo-saxonne.

Selon Lisée, ce fameux modèle devrait être une source de fierté pour tous les Québécois, et d’envie pour tous les non-Québécois. La preuve, nous dit-il, c’est que depuis 2000, la croissance réelle du produit intérieur brut du Québec a excédé celle de l’Ontario et des États-Unis, sans parler du taux de chômage québécois, maintenant inférieur au taux ontarien.

Le portrait que Lisée trace de l’économie québécoise est simplet et partial.

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