Le siècle, les hommes, les idées. Pourquoi il faut bannir le niqab dans le secteur public (texte intégral)

Mise en ligne de La rédaction, le 19 décembre 2015.

par Barbara Kay

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 49/NOVEMBRE 2015-JANVIER 2016 ]

Niqab

Le texte qui suit est une traduction d’un article paru dans l’édition du 30 septembre du National Post. Nous remercions son auteur de nous avoir autorisés à en publier une version française.

Le principe fondamental de la pensée libertaire est que chacun a le droit de vivre sa vie comme il l’entend pourvu qu’il ne cause aucun préjudice aux autres. Mais la notion de préjudice ne se limite pas toujours à quelque chose d’aussi évident que de rouer de coups son voisin ou de crier au feu dans une salle de cinéma bondée. Quant «aux autres», il ne s’agit que d’en grossir le nombre pour obtenir une collectivité, voire une culture.

L’éditorial paru dans l’édition du 26 septembre du National Post (The niqab? Really?) adopte une ligne de pensée libertaire sur le niqab. On s’y dit étonné de voir que la question du niqab, considérée jusqu’à tout récemment comme un simple «accommodement religieux», fasse soudainement l’objet d’une «panique morale». L’éditorial conclut que le niqab ne cause «aucun préjudice à qui que ce soit» et que les chefs politiques devraient avoir honte d’exploiter cette coutume musulmane à des fins politiques.

Pourtant, il n’y a rien de «simple» lorsqu’on parle d’un voile couvrant le visage dans une société prétendument ouverte. Un voile cachant le visage nuit à ces rapports sociaux qui sont essentiels si l’on veut qu’un sentiment de sympathie s’établisse spontanément dans nos milieux de vie. L’opposition des Canadiens au niqab est louable puisqu’elle signifie que la plupart d’entre eux estiment qu’ils partagent encore une véritable culture susceptible de subir un préjudice, ce qui n’est pas rien à une époque dominée par le laissez-faire pernicieux du relativisme culturel.

Voici dix raisons de bannir le niqab, non seulement lors des cérémonies de citoyenneté, mais aussi, comme le propose à juste titre le Québec, dans l’ensemble du secteur public:

1. Le niqab ne repose pas sur une obligation religieuse et, aux dires de plusieurs autorités islamiques, constitue une coutume régionale. Même en Arabie saoudite, où on l’associe à une obligation religieuse, les femmes qui participent au pèlerinage à La Mecque le retirent. Pourquoi le Canada devrait-il être plus respectueux envers cette coutume que l’Arabie saoudite?

2. Le niqab est indécent. Par-delà le fait que cette «offense» soit gérable sur un plan cognitif, le respect des normes de la décence importe beaucoup à notre bien-être psychologique et échappe largement à notre contrôle cognitif. Notre conception de la décence est ce qui détermine notre zone de confort en présence d’étrangers. Les normes de la décence ne sont pas imposées par une charte, mais se développent naturellement dans toutes les sociétés sous l’effet de diverses influences historiques et culturelles. Ces normes diffèrent d’une société à une autre et évoluent au fil du temps, mais le principe selon lequel à Rome, il faut faire comme les Romains est unanimement accepté par les gens raisonnables.

3. La décence dans ce cas s’inscrit dans la vaste zone intermédiaire d’un éventail de comportements possibles. Tout comme la nudité intégrale du corps, la dissimulation complète du visage suscite un très grand malaise chez la plupart des Canadiens. Qu’une telle pratique soit presque invariablement une coutume musulmane est sans importance pour ceux d’entre nous qui la trouvent indécente (et qu’on nous fasse grâce des sornettes sur l’islamophobie!).

4. Deux poids, deux mesures: il serait inconcevable d’autoriser des hommes à se masquer dans l’espace public, même s’ils estiment qu’il s’agit d’une obligation religieuse, parce que les hommes masqués sont une menace pour les femmes (et pour d’autres hommes). Nous ne devons pas permettre aux femmes ce que nous interdisons aux hommes.

5. Les seules sociétés où le niqab est une norme sociale sans appel sont celles où les femmes sont considérées comme des objets sexuels dépourvus de tout droit. Une indifférence volontaire au niqab est plus que de la simple tolérance: c’est relativiser la notion d’égalité des sexes dans notre pays – l’égalité pour nos femmes, un statut d’infériorité pour les leurs.

6. L’éditorial mentionne que «seulement une petite minorité de femmes» optent pour le niqab. C’est précisément pourquoi il convient de le réglementer dès maintenant, alors qu’il est encore possible d’en faire respecter l’interdiction. N’attendons pas que des milliers de femmes l’adoptent, ce qui rendrait l’interdiction impossible à appliquer.

7. C’est à contrecœur que certaines femmes portent le niqab: on leur en impose le port. Quel est le moindre mal: obliger toutes les femmes à nous montrer leur visage lorsqu’elles entrent en relation avec nous dans l’espace public, ou se faire les complices de la misère de ces femmes sans voix? S’il faut pécher par excès de prudence, faisons-le en appuyant ces femmes vulnérables qui aspirent à adopter notre mode de vie.

8. Le niqab est une insulte flagrante à l’égard des hommes canadiens puisqu’il donne à entendre qu’il faut leur imposer une barrière physique pour prévenir des pensées ou des comportements lascifs.

9. Le niqab est une insulte flagrante à l’égard des femmes au visage découvert puisqu’il présuppose chez elles une «immodestie» visant à attirer l’attention.

10. Dans le monde occidental, le niqab se conçoit souvent comme une affirmation politique, un signe de militantisme islamiste. «Mettez votre niqab!» criait Yvonne Ridley, sympathisante du Hezbollah, lors d’une collecte de fonds organisée en 2007 à Montréal en faveur du Congrès islamique canadien. Ce n’était pas la modestie qu’elle préconisait, mais une contribution à un jihad furtif.

Le niqab diffère des autres accessoires qui illustrent une foi et une volonté de modestie, comme la kippa ou le hijab. Prétendre le contraire relève de la fourberie. L’arc de l’islamisme contemporain, qui ne cesse de progresser, nous effraie. Notre prétendue «panique morale» est en réalité un dégoût moral. Lorsqu’un symbole est si lourd de signification, l’orthodoxie libertaire invoquée en sa faveur ressemble moins à un idéalisme de principe qu’à un sabotage culturel. Il n’y aurait aucune honte à prendre ce taureau par les cornes pour le mettre définitivement au rancart. L’amour éclairé de la patrie ne demande rien de moins.

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