Notes de lecture. Alexandre Dumas, L’abbé Pierre Gravel. Syndicaliste et ultranationaliste

Mise en ligne de La rédaction, le 19 septembre 2015.

Alexandre Dumas, L’abbé Pierre Gravel. Syndicaliste et ultranationaliste, Québec, Septentrion, 2014.

par Patrick Dionne

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 48 / AOÛT-OCTOBRE 2015 ]

L’autre abbé Gravel

L’histoire et les idées eurent-elles jamais de plus redoutable ennemie que l’histoire des idées? Depuis un quart de siècle, la matière qu’on remue dans la plupart des cabinets et qu’on déroule dans les salles de classe et les feuilles «scientifiques», manque de substance, d’altitude, de vision. L’historien inhabile à ressusciter le passé, le tue une seconde fois. Les idées ne se reconnaissent pas dans les portraits de ces dignitaires: elles ont l’air figées, sèches, pâles, faméliques, un peu idiotes, plantées dans un cadre exigu et grossier, contraintes de mimer une scène sans perspective et sans profondeur. Ces fiers abstracteurs oublient la réalité en chemin, sa richesse, sa complexité, son mystère: le corps des idées, leur lieu de genèse, de jaillissement et d’incarnation, c’est-à-dire les hommes, faits de chair, de sang, de cœur, d’esprit. Ce qui façonne le visage intérieur et informe la doctrine – sensibilité, convictions, amours, cicatrices, circonstances – est ordinairement ignoré. Une idée ne respire pas, ne vit pas toute seule! Celui qui épouse une idée lui donne un autre souffle que celui qui se contente de la tripoter. Il y a très peu d’idées neuves en ce monde, et c’est «par la forme», observait Gustave Thibon, qu’elles se «renouvellent».

Cet ouvrage d’un «spécialiste d’histoire religieuse» sur l’abbé Pierre Gravel (1899-1977), un personnage qui n’a encore provoqué aucune commotion parmi les historiens (à l’exception du biographe en gros! , bougonnerait Valdombre), promet de «jeter un regard nouveau sur la droite nationaliste québécoise» des années 1930 et 1940. L’auteur, fort de cette réclame et persuadé qu’une cavité historiographique cache nécessairement un trésor, précise qu’il s’agit «principalement» d’une «étude intellectuelle» (p. 283). Rien de ce qu’il a trouvé, hélas, ne ressemble à une pierre précieuse… Mais que de gravier! Sur les trois cent onze pages de cette enquête, deux cent quatre-vingt-dix sont superflues; les autres, quoique lourdes, charrient au moins quelques faits pittoresques.
(…)

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