Le préjugé contre les préjugés ou Du christianisme au nihilisme

Mise en ligne de La rédaction, le 4 décembre 2014.

par Jean Renaud

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 44 / AUTOMNE-HIVER 2014 ]

Narcisse

À l’occasion d’un colloque tenu à Granby, le 11 octobre dernier, au Centre Jean-Paul-Régimbal, célébrant le 25e anniversaire de Campagne Québec-Vie (CQV), et à l’invitation de son président M. Georges Buscemi, j’ai prononcé ce petit discours dans lequel j’ai cherché à nommer du mieux possible les racines de cette modernité euthanasique et avorteuse qui semble aujourd’hui toute puissante.

[…] Permettez-moi de donner trois exemples qui illustreront cette primauté du désir dans les esprits et les consciences. Interrogé par Europe 1 sur «la Manif pour tous» qui a défilé dans les rues de Paris et Bordeaux pour protester contre le mariage homosexuel, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), le jeune réalisateur québécois Xavier Dolan a déclaré: «quand vous parlez de choix entre un camp ou l’autre, on parle quand même du choix entre le camp des gens qui peuvent vivre librement, s’aimer, se déclarer leur amour, dans une société moderne, ouverte sur l’autre et l’autre camp, qui décide d’ostraciser les libertés individuelles les plus fondamentales des gens, qui ont le droit de s’aimer. Tout ça au nom de principes spirituels ordonnés par des religions qui sont conçues pour l’entraide, la tendresse, l’amour, toutes ces notions qui sont bafouées par ces démonstrations de haine et d’intolérance. C’est scandaleux qu’en France, vous donniez une tribune, au nom de la liberté expression, à ces gens». Il s’est finalement interrompu, au bord des larmes. Je reviendrai sur le sens à donner à ses paroles.

Mon second exemple est celui de la comédienne Anne Dorval s’attaquant à Éric Zemmour dans une émission de télévision française intitulée On n’est pas couché. Je cite Anne Dorval: «On a vu quelques manifestations qu’il y avait ici [en France] et on se disait: Faut pas mettre les pieds-là. C’est comme une régression», a-t-elle dit. «Il y a une ouverture qu’on ne trouve pas chez vous», a-t-elle ajouté, parlant du Québec.

Je note qu’Anne Dorval ne s’est pas plainte d’être sur le même plateau qu’un pédophile notoire tel que Daniel Cohn-Bendit. «Je voulais que les gosses aient envie de moi, et je faisais tout pour qu’ils dépendent de moi», peut-on lire dans l’»autobiographie» de Dany le rouge publiée en 1975, intitulée Le Grand Bazar. Et le site de gauche «Arrêt sur Images» a mis en ligne une émission Apostrophes datant de 1982, au cours de laquelle on entend ce même Daniel Cohn-Bendit expliquer combien il est «fantastique d’être déshabillé par une petite fille de cinq ans». La véritable régression, elle est là.

Mon troisième exemple, je l’ai trouvé dans Le Parisien du 10 mars 2007: «Patrick et Suzanne, en Allemagne, sont frère et sœur et ont quatre enfants ensemble. Ils ont été condamnés par la justice allemande et Patrick a fait deux ans de prison pour cette relation interdite.» On apprend en lisant l’article que deux des quatre enfants ont déjà été déclarés malades mentaux. Mais ce qui est intéressant, c’est la justification de Patrick: «J’étais amoureux et je ne pensais pas que faire l’amour, c’était mal*.» «Aimer ce ne peut être un péché». C’est le leitmotiv qu’on retrouve dans la bouche de ce Patrick d’Allemagne et de Xavier Dolan le Québécois, et qui est implicite dans l’indignation débridée de Madame Dorval. Il faut traduire «amour» par désir. Le désir n’est jamais mal, selon cette conception digne d’un pervers polymorphe; le désir, puisque mien, est nécessairement bien. C’est au nom de l’amour et de l’ouverture à l’amour qu’Anne Dorval fait sa crise d’hystérie et que Xavier Dolan se met presque à pleurer, n’hésitant pas à exiger qu’on censure ceux qui s’opposent au mariage gai. Éric Zemmour et les participants à la Manif pour tous ont accompli un sacrilège. Ils ont contredit l’homme-masse qui répète dans son souterrain: Je suis celui qui suis**.
(…)
* Cité par Jean-Pierre Winter, Homoparenté, Paris, Albin Michel, 2010, p. 55.
** L’interdit de l’inceste survivra-t-il encore longtemps à une culture qui a séparé la sexualité de ses finalités naturelles et permis des formes alternatives de procréation? Ce moment où une grande nation occidentale «autorisera» l’inceste viendra probablement au cours de ce siècle (et plus vite qu’on ne croit). Ce sera l’an 1 de la post-humanité.

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