Road 52 (texte intégral)

Mise en ligne de La rédaction, le 16 août 2014.

par Nathalie de Grandpré, MD

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 44 / ÉTÉ 2014 ]

Portrait du docteur Petiot

Les assassins ont les mains blanches,
ils ont fait serment d’hypocrites
trois mille ans d’histoire, tacite,
n’éveillent ni la colère, ni le dégoût,
depuis ce jour, sur la colline,
où nos élus parlementaires
ont signé cette loi pour nous.

Mort à la carte, virée posthume,
n’est-ce pas là siècle barbare
quand, sous couvert de compassion,
on leurre les uns, on flatte les autres,
oblitérant ceux qui s’opposent
et bâillonnant l’indignation?

Venez! dociles et vieilles carcasses,
humains déchus, malades, tarés!
ceux que la société entasse
en des asiles à prix dorés,
venez signer aux bas des feuilles,
mourir vite fait, logés, blanchis !
Jadis, ces murs où l’on gardait la Vie
vous offrent, licite, douce mort à prix d’ami.

Joignez les rangs de la quittance,
ces hommes et femmes sont de braves gens!
Sale besogne en d’autres temps,
la mort est propre maintenant.

Nulle inquiétude dans sa formule :
allons ! les meurtriers sont médecins !
Or, pour ce crime, point de potence :
le Grand Vizir sera clément
car sa justice est élastique
et change un peu au gré des vents.

Le soir venu, l’œil attendri,
tous ces bourreaux de la Régence
dîneront en ville le cœur content,
en s’abreuvant de tolérance,
se délectant végétarien,
car l’homme moderne, magnanime,
réfute l’animal-victime
et n’égorge jamais son prochain.

Dormez tranquilles, frères humains,
puisque l’État veille sur vous!
Son personnel qualifié, saura si votre vie s’achève
et, empressé, vous cueillera même chez vous.
Pourquoi traîner à soulager
quand ce qu’il faut c’est la Grande Trêve?

On veut blanchir les assassins
en leur prodiguant la clémence,
mais cette route fort glissante
et leurs sarraus tachés de sang
éveilleront-ils leur conscience?
Leur rappelleront-ils leur serment?

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