In memoriam: Benoît Lemaire (1929-2014) – Vivre dans le monde comme dans un mystère (texte intégral)

Mise en ligne de La rédaction, le 18 mai 2014.

par André Désilets

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 44 / PRINTEMPS 2014 ]

Benoît Lemaire

J’ai connu Benoît Lemaire dans les années soixante-dix grâce à un ami commun, le regretté Alexis Klimov. Philosophe, théologien et professeur, Benoît Lemaire était avant tout prêtre catholique, c’est-à-dire un homme pour qui la foi chrétienne précède et dépasse toutes les théories puisqu’elle est un événement, une réalité, une incarnation, une vie.

«Notre désir est sans remède», rappelle-t-il en citant Thérèse d’Avila dans un beau et profond compte rendu de l’ouvrage À l’extrême du temps de son ami Fernand Ouellette, publié dans le numéro XLII d’Égards, cette revue de la résistance conservatrice qui agace prodigieusement l’intelligentsia québécoise, celle-ci ayant adopté, comme nous le savons, le «Credo du Prince de Gauche» pour mieux s’imposer… et faire croire au monde que nous sommes purs, droits et savants! Reconnaissons-le: Benoît Lemaire ne s’inscrit nullement dans la lignée des maîtres à penser, mais dans celle des «maîtres à vivre» tels Simone Weil, Gustave Thibon et Maurice Clavel, pour ne citer que ceux-là. C’est dire qu’avec Benoît Lemaire, nous sommes frappés de plein fouet par le sens d’une parole. Il ne s’agit donc pas de s’attacher à de brillants calculs, mais de pressentir l’essentiel qui filtre à travers les pages d’une œuvre. Car on se heurte à l’ineffable. «Les choses les plus profondes, disait l’auteur de L’ignorance étoilée, sont incommunicables». Et «elles s’expriment d’autant plus mal qu’elles sont mieux vécues». D’où le crédit laissé aux amis, aux lecteurs. En ce sens, les textes de Benoît Lemaire nous aident à goûter cette poésie des profondeurs que l’on ne se lasse pas d’entendre, «cette musique intérieure qui oriente et invite à l’élévation», à la communion.

Au fond, Benoît Lemaire vivait dans le monde comme dans un mystère. Il s’y était engagé tout entier. Et il savait que «l’on ne résout pas les mystères; on en reste ébloui». Aussi nous confiait-il à la fin de son passage ici-bas: «Le Québec ancré au meilleur est admirable». Grâces soient rendues à cet homme exceptionnel, à ce fervent témoin du Christ.

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