Égards

par Gary Caldwell

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 41 / AUTOMNE 2013 ]

Delacroix-La liberté guidant le peuple

De temps à autre, au Québec, il se présente un penseur républicain de haut calibre (Pierre Vadeboncoeur, Fernand Dumont, Jacques Parizeau, etc.), et Marc Chevrier est sans aucun doute l’un d’eux. Son dernier livre, La République québécoise: hommage à une idée suspecte (Boréal, 2013), est un plaidoyer passionné pour une république québécoise, reconstituant l’histoire de la pensée républicaine d’ici, et répertoriant les arguments et les pratiques politiques qui ont prévalu contre ce républicanisme. Donc, un traitement historique en profondeur des arguments pour et, ce qui rend le livre si intéressant, contre. Marc Chevrier n’est pas seulement un républicain; c’est un érudit et un pamphlétaire. J’ai signalé cet ouvrage à l’attention de mes petits-enfants qui, à l’aube de la vingtaine, commencent à flirter avec l’idée de république, leur disant qu’ils ne pouvaient se passer de cette lecture: il reste à voir s’ils auront suffisamment de «vertu républicaine» pour le lire …

J’ajoute que Chevrier montre une fine connaissance de la société québécoise et de sa culture […].

Cela dit, j’ai deux réserves de fond. Premièrement, c’est un parti pris sans borne, sans réserve, en faveur du républicanisme… et l’auteur ne s’en excuse pas! Au contraire, il fait preuve de dédain et de mépris pour ceux qui pensent autrement. Ce dédain et ce mépris se manifestent dans une rhétorique qu’on peut qualifier de vertige littéraire. Deuxièmement, sur la base de sa propre thèse quant aux préalables nécessaires à l’instauration d’une république, et selon sa compréhension de la nature de la société québécoise, un régime républicain ne saurait être établi, du moins prochainement, au Québec. Je reviendrai sur cette contradiction, sur cette incohérence que Chevrier n’admet pas explicitement. Mais prenons d’abord acte de son arrogance.
(…)