Le siècle, les hommes, les idées. Jean Madiran (1920-2013): un guide dans l’éclipse postconciliaire

Mise en ligne de La rédaction, le 17 novembre 2013.

par Luc Gagnon

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 41 / AUTOMNE 2013 ]

Jean Madiran

Une grande lumière de la Contre-révolution française au XXe siècle s’est éteinte le 31 juillet 2013 : Jean Madiran mourait en région parisienne à la suite d’une chute bête dans une clinique médicale. On le croyait éternel tant il a mené avec alacrité le bon combat nationaliste et catholique depuis plus de sept décennies. Il a commencé à L’Action française aux côtés de Maurras, sous l’Occupation allemande, et n’a jamais reculé, jusqu’à l’inchoative reconquête de la Tradition catholique en syntonie avec Benoît XVI, en passant par l’opposition au progressisme chrétien dans les années 1950 en compagnie de la Cité catholique, et par la lutte contre l’apostasie moderniste postconciliaire en tant que directeur de la revue Itinéraires. Je l’ai vu une dernière fois il y a environ un an dans un restaurant parisien près de la Bourse; il était encore parfaitement alerte et quasi hypermnésique. Nous avions entre autres parlé de son maître livre L’Hérésie du XXe siècle, publié en 1968, et d’un projet d’édition anglaise, auquel je voulais collaborer. Il l’estimait lui-même comme son œuvre la plus importante, puisqu’il y défendait la philosophia perennis, sans laquelle la foi catholique s’évapore dans le fidéisme; contre l’épiscopat français qu’il interpellait directement, « Évêque, c’est par toi que je meurs », il affirmait la valeur constante des notions aristotélico-thomistes de substance, de personne et de nature qui auraient été dépassées irrémédiablement par le marxisme évolutionniste et «scientifique». Madiran a sauvé l’intelligence catholique de ces inepties épiscopales soixante-huitardes.

Auprès de Maurras, Madiran avait voulu être avant tout un commentateur politique, un penseur politique qui aurait pu orienter sa chère patrie, la «France seule», dans la voie de sa vocation naturelle et surnaturelle, comme le manifeste son premier essai préfacé par Maurras et publié en 1948, La Philosophie politique de saint Thomas d’Aquin. Il essaya de mettre en lumière en ce monde moderne, caractérisé par l’ingratitude, la vertu de la piété filiale naturelle, la pietas erga patriam, qui découle du troisième commandement de Dieu. Il resta toujours fidèle à son vieux maître de Martigues, mais en le corrigeant et en le rectifiant par la doctrine catholique: il considérait que Maurras n’était valable aujourd’hui qu’à travers le prisme de l’herméneutique catholique. Sa première œuvre annonce sa vocation: «Dégager les grandes lignes d’une philosophie politique qui intègre la physique maurrassienne à la pensée thomiste».
(…)

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