Débats et polémiques. L’invendable et les vendus : Charles Maurras, Boris Cyrulnik et les Éditions de L’Herne

Mise en ligne de La rédaction, le 9 août 2013.

par Patrick Dionne

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 40 / ÉTÉ 2013 ]

Boris Cyrulnik

– Jeune homme, déclara avec une condescendance aimable la barbe blanche du Professeur Mumu, jeune homme, vous tombez bien. Vous voulez visiter les Explicateurs, à ce qu’il paraît?

– Oui, mentis-je, car je songeais qu’un ou deux litres de rouge auraient bien mieux fait mon affaire.
René Daumal, La Grande Beuverie

Il est toute sorte d’Explicateurs. Le cuistre, le professeur, le complexé, le naïf, le menteur, l’expert, l’intrigant. L’explication est une conséquence de la Chute. Elle se retrouve sur toutes les lèvres… ou presque. Les deux derniers siècles, si abondants en esprits ratatinés, ont vu disparaître le sous-entendu, la métaphore, l’analogie, le chant. À leur place, des Explicateurs et des explications ! Le grand Balzac, déjà, dans Le Député d’Arcis, avait ouvert l’Explicateur et trouvé ceci:

«Simon Giguet, comme presque tous les hommes d’ailleurs, payait à la grande puissance du ridicule une forte part de contribution. Il s’écoutait parler, il prenait la parole à tout propos, il dévidait solennellement des phrases filandreuses et sèches, qui passaient pour de l’éloquence dans la haute bourgeoisie d’Arcis. Ce pauvre garçon appartenait à ce genre d’ennuyeux qui prétendent tout expliquer, même les choses les plus simples. Il expliquait la pluie; il expliquait les causes de la révolution de Juillet; il expliquait aussi les choses impénétrables; il expliquait Louis-Philippe; il expliquait M. Odilon Barrot; il expliquait M. Thiers; il expliquait les affaires d’Orient; il expliquait la Champagne; il expliquait 1789; il expliquait le tarif des douanes et les humanitaires, le magnétisme et l’économie de la liste civile.»

Remplacez «la pluie» par «la mort», «la révolution de Juillet» par «le gouvernement de Vichy», «Louis-Philippe» par «Philippe Pétain», «M. Odilon Barrot» par «M. Sigmund Freud», «M. Thiers» par «M. Maurras», «l’économie de la liste civile» par «les sentiments» et «Simon Giguet» par «Boris Cyrulnik», et vous aurez l’archétype de l’Explicateur français contemporain.

Ami des lettres, de l’histoire, des «processus psycho-affectifs» et de bien d’autres choses, Boris Cyrulnik a en effet entrepris d’expliquer tout cela, en se servant de Charles Maurras comme thème principal. Il existait un gros catalogue de platitudes sur le sujet. Le célèbre psychiatre a cru qu’il était incomplet. Sa dissertation, qui compte tout de même vingt-trois pages, a été placée en tête de la réédition de La Bonne Mort de Maurras, aux Éditions de L’Herne, en 2011. L’éditeur affirme qu’il s’agit d’une préface. Rien n’est moins sûr.
(…)

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