Le siècle, les hommes, les idées. L’autonomie, un cul-de-sac? (texte intégral)

Mise en ligne de La rédaction, le 21 avril 2013.

par Monique David

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 39 / PRINTEMPS 2013 ]

Égards

Le rapport de la Commission «Mourir dans la dignité» repose sur la notion d’autonomie. C’est parce que nous serions désormais autonomes que nous devrions pouvoir choisir l’heure et le style de notre mort. Mais choisir le moment de sa mort signifie-t-il que nous sommes plus autonomes? La mort n’abolit-elle pas l’autonomie?

Il serait plus juste de parler d’autonomie relationnelle que de la seule autonomie. Nous sommes des êtres relationnels. De l’enfance à la vieillesse, j’ai besoin de l’autre. Dès que je me coupe de l’autre, c’est le début de la fin, tant d’un point de vue physique que psychique. Ne pas compter sur l’autre lorsque nous souffrons ou lorsque nous vieillissons nous confère-t-il de la dignité? La dignité se forge dans la relation à l’autre, comme l’explique si bien Martin Buber dans Je et Tu. Dans la souffrance, l’autonomie relationnelle me commande de demander de l’aide; et, pour l’autre, s’il en est capable, de m’en offrir.

Nous sommes tous interdépendants. Notre société individualiste et matérialiste nous l’a fait oublier. Comme on ne veut dépendre de personne, on croit plus sage de recourir à l’euthanasie. Mais cette fausse solution apportera son lot de problèmes. Le simple fait d’introduire la possibilité de l’euthanasie est en elle-même meurtrière. Pourquoi soigne-t-on les suicidaires? Parce que l’on sait que ces personnes qui considèrent la mort comme une solution sont troublées. Jouer avec la possibilité de mourir à n’importe quel moment de sa vie, c’est s’administrer un poison moral à petites doses, en attendant le poison létal fournit par un médecin.

Les chicanes de famille sont souvent provoquées par des bagatelles. Qu’en sera-t-il a fortiori lorsqu’il sera question d’euthanasier ses parents, son frère, sa sœur, sa grand-mère? Qui aura le dernier mot? Nous assisterons à des déchirements familiaux terribles et irrémédiables.

Lorsqu’une personne malade dit qu’elle aimerait mieux mourir, c’est une façon de dire qu’elle veut être soulagée de sa souffrance. Attardons-nous plutôt à alléger la souffrance, à améliorer les soins palliatifs et ceux accordés aux malades chroniques.

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