Notes de lecture. Jean Panneton, Le Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières

Mise en ligne de La rédaction, le 24 janvier 2013.

Notes de lecture. Jean Panneton, Le Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières (1860-2010), Québec, Septentrion, 2010

par Luc Gagnon

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 38 / HIVER 2012-2013 ]

Le Séminaire Saint-Joseph

Le Séminaire de Trois-Rivières a fortement marqué la région mauricienne depuis sa fondation en 1860 et il méritait une monographie pour ses cent cinquante ans d’existence. Jusqu’à présent, il fallait se contenter d’une étude historique portant sur les premières années (1860 à 1874), réalisée en 1885 par un des fondateurs, Mgr Louis Richard. Il faut saluer l’initiative du supérieur actuel, l’abbé Jean Panneton. Commémorer ce cent-cinquantième anniversaire en recueillant dans les archives et les souvenirs des élèves, professeurs et directeurs, des éléments de la riche tradition de cette institution peut éclairer l’histoire de l’enseignement au Québec et particulièrement du défunt et regretté cours classique. L’auteur étudie ici essentiellement le cours classique et secondaire qui fut dispensé au Séminaire Saint-Joseph de 1860 à nos jours, et non pas au Grand Séminaire du diocèse de Trois-Rivières, qui a partagé à certaines époques le même terrain et des locaux adjacents.

L’auteur, supérieur ecclésiastique du Séminaire Saint-Joseph depuis 1989, cherchait un historien pour souligner cet anniversaire institutionnel; il a compris qu’il était peut-être le mieux placé pour accomplir cette tâche, en tant qu’ancien élève et professeur, ayant consacré une importante partie de sa vie sacerdotale à l’institution, dont il est aujourd’hui en quelque sorte la mémoire vivante. Cette position comporte cependant des risques et le livre n’a pas un statut très clair: il évolue entre l’album commémoratif, avec une vaste sélection iconographique, l’étude historique et l’apologie. Il n’a pas la rigueur de l’étude de l’abbé Noël Baillargeon sur le Séminaire de Québec, sans être toutefois un simple album souvenir produit pour le jubilé de plusieurs institutions scolaires québécoises. Il constitue une intéressante contribution au débat sur l’enseignement au Québec, essayant de relever les éléments de continuité et de discontinuité dans l’histoire de cette école qui se définit encore comme catholique, placée sous l’autorité ultime de l’évêque diocésain. À la suite des travaux fondateurs du professeur Claude Galarneau sur les collèges classiques dans les années 1960 et 1970, peu de monographies ont été rédigées et il reste d’importantes lacunes dans notre histoire scolaire; il n’y a ainsi aucune étude historique sur le plus prestigieux collège classique du Québec toujours existant, le Collège Jean-de-Brébeuf.

La riche préface de l’ancien élève du Séminaire, finissant de 1954-1955, et ancien ministre québécois des Affaires culturelles Denis Vaugeois, lance bien le débat avec sa liberté de ton habituelle. Il précise qu’il fut heureux au Séminaire de Trois-Rivières malgré la sévérité des prêtres, rappelant l’expulsion sommaire de ses amis de collège Jean Chrétien et Jean Pelletier, qui devinrent des sommités politiques. Il souligne que le cours classique constitua un ascenseur social, que fort peu de ses condisciples étaient issus de familles bourgeoises, comme le confirme l’abbé Panneton, qui évalue qu’il n’y avait que quatre fils de professionnels sur une classe de cent vingt élèves en 1939. Il déplore que «le cours classique n’ait pas inspiré les responsables de la réforme du système scolaire au milieu des années 1960» (p. 19), car il formait de vrais «généralistes», munis d’une forte culture générale. Il s’étonne finalement de la capitulation si facile de l’Église face aux changements scolaires: «Elle laissa partir, avec une résignation étonnante, ses institutions. Les membres du clergé, les membres des communautés religieuses abdiquèrent en silence» (p. 25). L’abbé Panneton esquisse des réponses à ces interrogations par le recours à l’histoire.

Contrairement à la plupart des collèges classiques québécois, celui de Trois-Rivières n’a pas été fondé par l’Église. C’est un regroupement de huit notables trifluviens, dont Ézéchiel-Moses Hart, qui s’en chargea en 1860, longtemps après le Séminaire de Nicolet qui desservait la région mauricienne depuis 1803. Ce dernier avait été fondé par l’évêque de Québec, Mgr Plessis, sur le modèle du Séminaire de Québec, lui-même constitué par Mgr de Laval en 1663. La corporation des laïcs fit cependant appel à l’évêque de Trois-Rivières, Mgr Thomas Cooke, pour pourvoir le collège d’enseignants cléricaux. Il désigna l’abbé Joseph-Élie Panneton qui devint en 1865 le premier supérieur de l’institution, qui compta dès son année de fondation cent élèves; cela manifeste sa nécessité dans une ville érigée en 1634, en plein développement industriel dans la deuxième moitié du XIXe siècle. L’auteur montre tout de même les difficultés financières d’une telle aventure: elle dut sa survie aux sacrifices des fondateurs et à la participation des séminaristes à l’enseignement, qui formèrent la majorité des enseignants jusqu’en 1936. Pour des raisons financières et administratives, la corporation a été forcée de céder le collège, en 1874, à l’évêque diocésain, Mgr Louis-François Laflèche, combatif prélat ultramontain, qui en fit son petit séminaire consacré à saint Joseph. Dès lors, l’avenir de l’institution était assuré jusqu’aux grands changements de la Révolution tranquille.

Le modèle reste le séminaire tridentin de Québec. La ratio studiorum des Jésuites est suivie dans l’esprit, sinon dans la lettre.
(…)

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