De l’anarchie morale à une éthique de la vertu

Mise en ligne de La rédaction, le 24 janvier 2013.

par Richard Bastien

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 38 / HIVER 2012-2013 ]

Platon et Aristote

Selon Le Petit Robert, le mot «anarchie» désigne une «confusion due à l’absence de règles ou d’ordres précis». Or ce qui caractérise la culture contemporaine, c’est justement l’absence de consensus sur les règles morales qui devraient régir la vie en société. Que nous vivions à une époque d’anarchie morale ne devrait donc pas nous étonner. D’ailleurs, il y a lieu de se demander si nous vivons vraiment en société. Il ne peut y avoir de véritable société sans une certaine unité de vues chez ceux qui la composent. Une société existe dans la mesure où des gens partagent des idées communes, reconnaissent l’importance de certaines questions et s’entendent sur les principes du bien et du mal.

Que ce soit au Québec, dans le reste du Canada ou ailleurs en Occident, on peine à trouver des dénominateurs communs. Il n’y a plus de consensus sur ce qu’est la justice, le mariage, la famille, l’amour, l’être humain, la différenciation sexuelle et le rôle de l’État. Parler de valeurs communes ou d’une culture commune constitue même un affront au bon sens. Le monde dans lequel nous vivons traîne dans son sillage les vestiges d’une société qui possédait une cohérence interne. Mais cette cohérence n’existe plus. En témoigne le fait que les règles morales sont maintenant considérées comme purement subjectives. Qu’elles puissent être fondées objectivement et justifiées rationnellement apparaît à l’esprit moderne comme un non-sens, voire un signe de fanatisme. Il en va de même de la religion, perçue comme irrationnelle, qui manifesterait une faiblesse de l’esprit.

Vient à l’esprit le poème The Second Coming que William Butler Yeats a composé peu après la Révolution russe de 1917:

«Things fall apart; the centre cannot hold;
Mere anarchy is loosed upon the world,
The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all conviction, while the worst
Are full of passionate intensity.»

(Tout se disloque. Le centre ne peut tenir./ L’anarchie se déchaîne sur le monde / Comme une mer noircie de sang: partout / On noie les saints élans de l’innocence. / Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires / Se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises.)

Les conséquences de cette anarchie morale sont partout visibles: éclatement des couples et des familles, dénaturation du mariage, déconsidération de la paternité et de la maternité, sensualité débridée, avortement, toxicomanie, endettement abusif, corruption politique et syndicale, impiété, etc. Non seulement les cultures nationales s’effondrent, mais notre taux de natalité ne suffit même plus à assurer le renouvellement des générations – démographiquement, nous sommes sur la voie de l’extinction.
(…)

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