Notes de lecture. Joseph Fadelle, Le Prix à payer

Mise en ligne de La rédaction, le 20 avril 2011.

Joseph Fadelle, Le Prix à payer, Paris, Éditions de l’œuvre, 2010

Par Luc Gagnon

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 31 / PRINTEMPS 2011 ]


Le grand succès en 2010 du film Des hommes et des dieux auprès du public français, le film Qui a envie d’être aimé (2011) portant sur la conversion improbable au christianisme d’un avocat agnostique dans le Paris d’aujourd’hui, l’intérêt soudain pour le catholicisme de nombreux intellectuels français comme Régis Debray, Philippe Sollers et Luc Ferry illustrent une certaine tentation catholique, ou un moment catholique, dans la société française. L’essai de Joseph Fadelle, déjà un best-seller dans les milieux catholiques en France, s’inscrit dans ce contexte, mais il est enrichi par l’affirmation formelle et l’engagement public d’une conversion radicale, héroïque et « coûteuse » au catholicisme. Hélas, ce témoignage émouvant n’est pas encore connu au Québec, malgré les prodiges tapageurs de la communication instantanée et sans frontières. Le livre ne manque pourtant pas d’intérêt à l’heure de l’affrontement mondial entre les civilisations islamique et chrétienne.

Joseph Fadelle est le nom christianisé et francisé de Fadel-Ali al-Moussaoui. Il est né en 1964 dans une noble et riche famille irakienne de forte tradition chiite où il était destiné à succéder à son père comme chef du clan. L’islam était un pilier essentiel de sa vie familiale, un élément structurant de sa jeunesse, mais Fadel-Ali ne le pratiquait qu’extérieurement : « Ma prière n’exige pas une réelle adhésion du cœur, ni même une compréhension du texte » (p. 19), le « texte » étant ici le Coran. Ce qui déclenchera d’abord sa réflexion au sujet de son héritage religieux, c’est sa rencontre avec un chrétien, à l’âge de vingt-trois ans, durant son service militaire au sein de l’armée irakienne. Il doit même partager avec lui sa chambrée, ce dont il est offusqué : « Tu crois que moi, un Moussaoui, je vais dormir avec un chrétien ? » (p. 13).

Il entreprend d’abord de convertir cet infidèle, qu’il trouve néanmoins sympathique. Le chrétien Massoud évite la confrontation, mais expose calmement et avec justesse la doctrine catholique, même sur la difficile question de la sainte eucharistie. Il refuse de donner immédiatement à Fadel-Ali un exemplaire de l’Évangile, le renvoyant à l’étude du Coran : il lui demande avant tout d’examiner sa propre tradition religieuse. Le futur Joseph Fadelle s’y lance avec ardeur pour contrer les positions chrétiennes, mais ressort ébranlé dans ses convictions par cette lecture critique du Coran, consultant en vain plusieurs imams. Il estime que le Coran est plus riche en rituels insignifiants qu’en spiritualité, et il est heurté par la doctrine de l’infériorité de la femme. En outre, il réalise que le comportement de Mahomet n’est pas digne d’un homme de Dieu, lui qui accumule meurtres, vols et adultères. Son univers religieux s’effondre : il a le sentiment d’avoir fait fausse route en se livrant à une analyse critique de l’islam, sans être pour autant convaincu de la valeur du christianisme.

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