Les droites françaises en crise

Mise en ligne de La rédaction, le 21 avril 2012.

par Matthieu Lenoir

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 35 / PRINTEMPS 2012 ]

Nicolas Sarkozy

La gauche, empire de l’utopie sociale, se disloque régulièrement sur les récifs de la réalité. La droite, héritière du pragmatisme, s’englue en retour dans les sables mouvants de l’utopie technoscientifique.

La crise que connaît la droite française en cette année d’élections met à jour ses contradictions profondes. Son chef, Nicolas Sarkozy, est accusé d’être à l’origine de toutes les souffrances réelles et surtout supposées d’une population flattée par une gauche revancharde, totalitaire et, symptôme encore plus inquiétant, capable d’influencer et de manipuler une droite captive de la logique gestionnaire, éloignée depuis déjà longtemps des pratiques de la société politique traditionnelle. Cette société qui était tissée des us et coutumes de générations ayant éprouvé dans leur chair – plus que dans leur intellect – les exigences de la vie en ce monde.

La droite fonctionnaliste
Dans sa segmentation sociologique et historique, René Rémond voyait trois droites en France : la légitimiste, l’orléaniste et la bonapartiste. En notre époque d’hypermodernité amnésique, les droites françaises paraissent marquées par deux tendances lourdes, l’une ayant marginalisé l’autre.

La première est la tendance fonctionnaliste, la droite dite « de gouvernement ». Elle se caractérise par un respect du donné humain issu de l’histoire, au contraire du socialisme rationaliste et constructiviste. Elle regarde la société et les personnes qui la composent comme des acteurs autonomes et non comme des sujets d’utopies, à l’opposé du socialiste François Hollande qui assimilait de la façon la plus cynique « la justice » à « l’égalité » dans son discours de candidature à l’Élysée. Mais les élites économiques de cette droite n’échappent pas au tropisme de l’idéal scientiste du salut temporel, porté symétriquement, dans son anthropocentrisme maladif, par l’idéologie occulto-socialiste, pour parler comme Philippe Muray. À un certain point de l’horizon mental de cadres politiques aux dogmes apparemment opposés, s’opère une convergence sur le thème de la sécularisation émancipatrice. La vision du chef d’entreprise rejoint celle du syndicaliste sur la question de la valeur salvatrice du produit industriel, de sa puissance égalisatrice et de sa force d’élection.
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